mardi 27 janvier 2009

Contempler


Comme on observe les étoiles, bien étendue sur le plancher des vaches, je contemple mon existence. J'analyse, je déduis, j'intellectualise, j'hyperationalise tous les aspects de ma vie, sans pourtant mettre en action les conclusions de mes réflexions. La théorie sans la pratique. L'impression de savoir exactement ce qu'il faut faire, mais ne pas amorcer l'action. Attendre qu'une aventure cogne à ma porte, attendre qu'il devienne fou de moi par enchantement, attendre que mes clients se réadaptent eux-mêmes. Attendre. Toujours. Les neurones en effervescence, mais les deux pieds cloués au sol, refusant de coopérer. Refuser tout effort. Contempler l'inaction, en espérant le soulevement du vent. Pourtant, si je ne me retenais pas, je prendrais un enfant par la main pour l'emmener vers demain, je sauterais à pieds joints dans une aventure des plus farfelues, je lui déclamerais plein de mots doux et je l'attaquerais avec des bisous dans le cou, je ferais une intervention-choc auprès de mes clients pour les secouer et les pousser à agir. Je me garde pourtant en réserve, comme un vin d'une cuvée qui doit reposer longtemps au fond de la bouteille. Un vin 1985 qui se garde depuis trop longtemps d'établir la coordination entre ses pensées et ses émotions. Je traîne ma retenue comme un petit boulet, avec lequel je regarde passer ma vie, cette étoile un peu trop filante dans le firmament.

lundi 26 janvier 2009

Cannelle vive


Par un insignifiant lundi soir, suite logique à cette abomination qu'est le pire jour de la semaine, je digérais mon repas au salon en compagnie de ma colocataire, toutes deux armées d'une petite bière. J'eus alors la brillante idée d'enfiler mon sarrau blanc de scientifique et de tenter une expérience des plus importantes. En effet, alors que la petite bière faisait son chemin en direction de l'immaculé trône de la salle de bains, le regard de la scientifique en moi se posa sur mon chat noir qui allait se retrouver au centre de mon expérience révélatrice.

[Observation] Il était là, couché et immobile sur le plancher de la salle de bains. Première erreur.

[Problème] Il n'y avait pas vraiment de problème à première vue, alors c'était à moi de jouer en le créant.

[Hypothèse] Ce que je m'apprête à faire va être très drôle.

[Expérimentation] Ayant pris soin de remonter mon pantalon, je m'armai alors de mon tube de dentifrice, saveur de cannelle vive, et je déposai une petite quantité de la pâte sur la langue de mon chat, toujours très innocent et immobile. Je n'avais pas anticipé la réaction de l'animal. Mon chat se mit à courir dans toutes les pièces de l'appartement, sous nos regards ébahis. L'écume au bord de la gueule, il crachait comme il n'avait jamais craché, dispersant son fluide buccal partout sur le plancher. Il se promenait la langue bien pendante, comme si elle n'avait plus sa place dans sa gueule, ou que la cannelle l'avait transformé en chien.

[Discussion] Je le regrette. Un peu. J'ai eu peur un instant que mon chat perdre ses papilles gustatives, ou encore que sa langue rugueuse devienne aussi lisse que des fesses de bébé au contact de la cannelle. Du coup, il n'aurait plus la capacité de se laver et ressemblerait à ces chats aux poils hirsutes qui parsèment les rues du quartier. J'aurai peut-être dû utiliser le dentifrice au thé vert de ma colocataire, pour moins de dégâts. À vérifier. La vivifiante cannelle aurait pu enlever toute joie de vivre à mon petit animal de compagnie. N'appelez pas la SPCA, je vous prie. En dépit des apparences, mon chat est bien nourri et logé et reçoit plus de câlins que nécessaire, ne vous inquiétez pas, mais ne me laissez pas seule avec votre animal domestique pour autant.

dimanche 11 janvier 2009

Détaler


Comme un p'tit lapin. Prendre la poudre d'escampette et se sauver avec. La fuite, moyen de défense ultime de bien des petits animaux. Pas question d'affronter, de confronter, d'attaquer, de traquer, de dompter, de tuer. La passivité de la fuite fera l'affaire. S'enfuir loin des tourments, prendre l'hypothénuse habituelle, le raccourci par excellence. Prouver qu'on a rien appris. Le fuir de peur qu'il ne se sauve...

mercredi 7 janvier 2009

Risque d'éboulis


Tout peut nous tomber dessus. Une roche déboule sur une falaise abrupte alors que nous conduisons notre calèche. Une avalanche alors que nous fabriquons une poule en neige dans la plus grande joie qui soit. Une enclume sur un pied. Et j'en passe. Une chance, me direz-vous peut-être, si vous n'êtes pas vous-mêmes enterrés sous le ciel qui vous serait tombé sur la tête par inadvertance. Faites attention, tout de même.

Les phénomènes de la nature peuvent donc créer des éboulis dignes de mention, mais quelles forces peuvent se vanter de créer nos éboulis internes, nos si doux borborygmes ? Certains pseudo-savants me diront qu'il s'agit d'un effet normal produit par notre système digestif, mais je ne suis pas de cet avis. Je crois qu'on néglige grandement les petits êtres qui vivent au fond de notre nombril. Ceux qui se nourrissent évidemment de mousse de nombril et de miettes de toasts au nutella (hmm, nutellaaaa.) Ceux qu'on gratte derrière l'oreille de temps en temps. On les néglige tellement qu'ils sentent le besoin viscéral de crier leur manque d'attention à la face du monde, déclenchant par le fait même une avalanche dans le bas ventre. Ce ne peut être que des vibrations ou un véritable cri du coeur que les onze personnes présentes à l'assemblée générale du conseil auront le loisir d'entendre. Tout dépend de votre capacité à vous occuper adéquatement des petits natifs de votre nombril et de leur habitat naturel. Mêmes si les borborygmes semblent inaudibles, il est toutefois possible d'entendre quelques bribes avec un système professionnel de boîtes de conserve. Ils ne se laissent toutefois pas apprivoiser facilement. Vous arriverez peut-être à les domestiquer à coups de graines de biscuits bretons et de la mousse de chandail de qualité. Ils ne raffolent cependant pas du polyester. À éviter, car vous risqueriez de faire naître des éboulis internes au moment le plus inopportun qui soit. Ils sont sournois.